Vernissage de l’exposition « Figures de spiritualité »
Eglise médiévale de Grandson, samedi 29 novembre 2008
Chers invités, chère Simone,
(...) N’est-ce pas étrange, ce titre « Figures de spiritualité » ? Eh
bien voilà. Nous sommes en plein dans le sujet. Si j’ai tenté de comprendre, à mes risques et périls, le
sens des sculptures de Simone Mayor, c’est à cause de ces figures très
humaines, parfois très lointaines, et pourtant si proches de nos réalités
quotidiennes.
Chers visiteurs, ne venez pas ici comme à la découverte de
statues gigantesques, déjà vous en faites l’expérience. Les sculptures de
Simone Mayoir attendent de nous un regard, un colloque, des questionnements,
une interrogation. Ces sculptures ne sont pas de marbre, malgré leur poids,
elles vous parlent, vous interrogent, et j’espère qu’elles sauront vous
enchanter. Mettez-vous devant elles. Face à face. Voyez et écoutez. Chez Simone
Mayor, la spiritualité est charnelle, incarnée, et démesurée. Si je puis vous
donner un conseil, ne soyez pas des passants, soyez des patients. Regardez les
personnages. Regards croisés. Ecoutez-les, les yeux dans les yeux, si j’ose
dire. Ce sont des anges avec un corps. Des corps étirés, déchirés, distendus,
torsadés. Je ne sais pas, Simone, d’où vient cette passion « angélique »,
et je ne souhaite pas le savoir. C’est pourquoi j’invite les visiteurs à « parler »,
à se confronter avec les corps que vous nous donnez à contempler. Vos
personnages sont humbles, voire humiliés en leur pauvreté. On le pressent, ils
aimeraient être beaux, admirables, admirés, adulés, lisses, sensuels. Non,
leurs regards semblent absents. Pour les contempler, il faut prendre des précautions.
S’approcher. Et écouter. J’ai bien dit : écouter.
Oui, on ne regarde pas les sculptures de Simone
Mayor : on doit les écouter, les éprouver, et guetter leur posture.
Surtout, en visionnant, ne passez pas trop vite. Ne hâtez pas le pas. Ne dites
pas : « bien, beau ou bof ». Mais cet ange, cette lectrice, cet
assoiffé, ce dénudé, ce regard figé dans la souffrance, que me disent-ils !
Rassurez-vous ! Chez Simone Mayor, je ne vois aucune
trace de moralisme, ni d’angélisme. Qu’est-ce qu’une figure de spiritualité ?
C’est un visage, un regard, une posture, qui traduit son être profond, qui ne
triche ni avec lui-même, ni avec autrui. Si j’aime vos sculptures, Simone, et dès
ma première rencontre avec vos œuvres, c’est parce que vous ne trichez pas.
Mais vous êtes exigeante. Les visiteurs de ces figures de spiritualité ne
pourront pas se contenter de courir d’une œuvre à l’autre, distraitement. Ils
devront patienter. S’arrêter. Contempler. Et je leur conseille d’être particulièrement
attentifs à scruter les petits sujets, sagement en attente dans leur niche.
À cet égard, j’aimerais ici exprimer mon admiration pour
les restaurateurs de cette église. C’est une pure merveille ! Ici on
respecte l’histoire. « Les extrêmes me touchent », disait André Gide.
Les extrêmes « se » touchent, Simone, dans votre sculpture. La beauté
ou la bonté d’un visage n’excluent pas ses rides, son dénuement, sa visible
angoisse.
« Il faut aller à la vérité de toute son âme »,
affirmait Platon. Votre œuvre est grave. Jamais pessimiste. Chacun et chacune,
Mesdames, Messieurs, pourra le percevoir. La sculpture de Simone Mayor prouve,
s’il le fallait encore, que la spiritualité n’est pas une rêverie, ni une
tromperie, mais une espérance !
Albert Longchamp